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Jeanne-Marie Alombert n. 4 décembre 1843 d. 12 mars 1921
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Article rédigé par, et publié ici avec l'aimable autorisation de :
- Jean Pierre Bonnet
Sommaire |
[modifier] Jeanne ou Jeanne-Marie ?
[modifier] à propos de Jeanne.
Une Jeanne Alombert , amie de Louise Michel, a participé avec elle à la Société d'instruction populaire, puis au Comité de vigilance des femmes de Montmartre.
On en trouve par exemple mention dans cet entrefilet du Rappel, 24 septembre 1870, page 1.
Par ailleurs, Jeanne n'est pas tout à fait une inconnue. On la voit apparaître au long des pages de l'éphémère journal blanquiste : la Patrie en danger[1].
Au 21 septembre, page 3, elle est censée dénoncer Emmanuel Gonzalès, président de la Société des gens de lettres, parti à Monaco. Mais on découvre par la suite que Gonzalès est toujours à Paris, et le 22 septembre Jeanne vient elle-même au bureau du journal prouver que cette dénonciation n'est pas de sa main, mais d'un corbeau bien informé, puisqu'il la sait habiter au 86, rue d'Angoulême[2].
Cependant, dans le numéro du 21, on trouve d'elle une «Communication» où elle se déclare «Femme et sœur de volontaire».
Elle apparaît encore dans ces colonnes le 25 septembre, en page 3.
Louise Michel évoque Jeanne dans sa Commune (Stock, 1898), p. 131 :
Un jour il fut décidé, que Montmartre n'avait pas assez d'ambulances, alors avec une jeune amie de la société d'instruction élémentaire toute jeune à cette époque, nous résolûmes de la fonder.
C'était Jeanne A., depuis madame B.
Ce qui est assez laconique. Mais on peut en apprendre plus dans un exemplaire de cet ouvrage mis en vente par le libraire Laurent Coulet[3], catalogue 55, notice 81. Ce volume a la particularité de porter deux envois successifs de Louise à Jeanne : sur un premier faux-titre :
M' Alombert, Souvenirs d'amitié, L. Michel Paris 19 juin 98
et sur un second :
A Mme Jeanne Boileau. Souvenir d'amitié et de complicité en 71. Souvenirs aussi au nom de ma mère et aussi en d'ineffaçables choses. L. Michel Paris 18 juin 98.
Ce qui permet de savoir que «Madame B.» est Madame Jeanne Boileau.
Il n'est pas trop difficile de découvrir que le porteur du nom Boileau est l'avocat Guillaume Pierre Louis, natif de Lormes (Nièvre) et décédé à Paris 5e, au 24 rue Berthollet, le 9 novembre 1881.
On a d'abord porté sur l'acte de décès, avant de l'annuler, la mention : Époux de Jeanne Alombert, âgée de trente sept ans, sans profession, demeurant rue Berthollet 24. corrigée en “célibataire”.
L'avocat et Jeanne étaient donc alors réputés mariés, ce qu'ils n'étaient pas.
Une visite à la chapelle funéraire Boileau, au cimetière du Père-Lachaise, nous apprend de plus qu'ils ont eu un enfant, Guillaume Pierre Louis Alombert-Boileau, décédé peu après son père, le 8 janvier 1882, à l'âge de dix ans.
L'acte de décès de cet enfant, en date du 9 janvier 1882 diffère sensiblement de ce libellé :
Acte de décès de Pierre Louis Raymond Alombert, dit Boileau, âgé de dix ans, né à Sèvres (Seine)[4], décédé au domicile de sa mère rue Berthollet 24 le huit janvier courant [...] fils de Jeanne Alombert âgé [sic] de trente six ans, rentière.
On peut conclure de l'existence de ce garçon que Jeanne et Boileau ont eu des relations depuis au plus tard l'année 1871. Et le fait qu'à 36 ans Jeanne soit rentière laisse penser que l'avocat ne l'a pas laissée sans ressources.
Mais une question se pose : lorsqu'en septembre 1870 Jeanne se dit “femme [...] de volontaire”, s'agit-il déjà de l'avocat Boileau, ou bien est-elle effectivement mariée ?
[modifier] à propos de Jeanne-Marie
Il existe de fait une autre Jeanne Alombert, ou plus précisément Jeanne Marie, qui ressemble par plusieurs points à la nôtre : elle aussi est Jeanne Alombert ; native de Saint-Brieuc, elle est venue au monde le 4 décembre 1843 (d'une âge voisin de Jeanne Alombert/Boileau), fille de Louis Marie et d'Anne Marie Jaffro. Elle est, autant qu'on le sache, cinquième de sept enfants.
Là où les choses se compliquent, c'est que Jeanne Marie est mariée. Elle a épousé à Paris 7e, le 10 novembre 1863, Eugène Bouqueneur, voyageur de commerce. Elle réside alors avec ses parents au 15 rue Rousselet (7e) et est couturière.
Est-ce Bouqueneur le mari et volontaire évoqué dans l'article de la Patrie en danger du 21 septembre 1871 ? C'est possible, mais pas certain, car en 1871, ils pourraient être séparés ; Eugène Bouqueneur se trouve en 1878 à Nantes où il semblerait résider, et où il décède le 2 mars, réputé célibataire. Il faudra l'établissement des actes du second mariage de Jeanne Marie, en 1886, pour que Bouqueneur soit rétrospectivement rétabli comme “époux de Jeanne Marie Alombert”.
[modifier] Une seule Jeanne Alombert
Est-il possible d'identifier les deux Jeanne l'une avec l'autre ? Oui, car plusieurs indices le permettent.
Les plus décisifs sont ceux où, dans cette trame, les deux histoires de la Jeanne amie de Louise Michel, et de la Jeanne-Marie issue de Saint-Brieuc et née de Louis Marie et d'Anne Marie Jaffro se rencontrent.
Jeanne, vivant selon toute apparence séparée de son premier mari, Eugène Bouqueneur, se met en ménage avec l'avocat Guillaume Pierre Louis Boileau à une date qui ne peut être plus tardive que 1871, le temps que leur fils soit conçu et meure âgé de dix ans en 1882. Il ne leur est pas possible de se marier, puisque, si une séparation de corps est possible, bien qu'on ne sache pas si elle a effectivement eu lieu, le divorce ne sera instauré qu'en 1884. Ils sont cependant considérés comme époux à plusieurs reprises :
- Lors du mariage de la sœur de Jeanne Marie, Augustine Louise Marie, le 14 septembre 1875 (Paris 11e) avec Jean-Baptiste Caron, Louis Boileau est témoin, et qualifié de beau-frère.
- On a vu qu'au décès de l'avocat, il a d'abord été qualifié d'époux de Jeanne Alombert.
Mais l'élément qui établit définitivement l'identité de Jeanne et de Jeanne Marie est le fait que la mère de cette dernière, Anne Marie Jaffro est elle aussi inhumée dans la chapelle Boileau du cimetière du Père-Lachaise.
Pour avoir sa place dans la sépulture Boileau, Anne Jaffro-Alombert est nécessairement la mère de “Madame Jeanne Boileau”.
Pour en finir avec l'état civil de Jeanne/Jeanne Marie, on a vu que l'acte de décès de son premier marie, Eugène Bouqueneur, a été rectifié par jugement en date du dix juin 1886 du tribunal civil de Nantes. Les choses doivent être remises en ordre, puisqu'elle se marie le 19 juillet suivant (Paris, premier arrondissement), avec le sculpteur Paul Marie Guibé, qui vient lui-même de divorcer d'avec sa première épouse, Eugénie Lebreton (ou Le Breton), le 12 juin précédent.
Paul Marie Guibé décède le 20 septembre 1922. Jeanne l'a précédé, le 12 mars 1921. Ils habitaient ensemble au 35 rue du Chemin-Vert (11e). Paul Marie n'est pas mort chez lui, étant décédé à la station de métro Étoile.
Il ne semble pas que de ses trois unions Jeanne ait eu d'autre enfant que le petit Pierre Louis Raymond, ou Guillaume Pierre Louis, décédé à 10 ans en 1882.
[modifier] Faits et gestes
Excepté les quelques mots de Louise Michel, très peu de choses nous sont connues des activités de Jeanne.
Que veut dire Louise en évoquant «Souvenirs d'amitié et de complicité en 71. Souvenirs aussi au nom de ma mère et aussi en d'ineffaçables choses» ?
Par ailleurs, il ne semble pas que Guillaume Pierre Louis Boileau se soit trouvé mêlé aux événements de la Commune. Tout en conservant son caractère engagé et libre penseur, Jeanne se serait-elle, auprès de ce nouveau compagnon, mise en retrait d'une activité militante ?
On peut penser que Louise Michel l'avait un peu perdue de vue, puisqu'en 1898 elle continue de l'appeler Boileau, plus de quinze ans après le décès de Guillaume Pierre Louis, et alors qu'elle est mariée depuis 1886 avec Paul Marie Guibé.
[modifier] Dans la famille
Les archives Descaves[5] contiennent, parmi les papiers de Louise Michel, une lettre[6] adressée à celle-ci par le jeune frère de Jeanne, Jean Louis Marie[7], qui est typographe, et qui remercie Louise d'être intervenue pour qu'il soit engagé dans l'équipe du nouveau journal l'Aurore en voie de fondation. La voici :
[folio 01B] 2 octobre 97
Ma chère Louise
J'ai pu aujourd'hui mettre la main sur Vaughan[8]. Je lui avais laissé ce matin votre petite lettre avec mon adresse et lorsque je me suis présenté tantôt, il m'a fait l'accueil le plus cordial : « Vous m'êtes recommandé par Louise, a-t-il dit, cela suffit ; je vais vous inscrire, mais il était temps, vous êtes le [f. 02B[9]] seizième. » Me voilà donc, grâce à vous, tranquille, ou à peu près, car d'ici le 18, date à laquelle doit commencer la publication du journal, Vaughan peut encore changer d'avis, les concurrents étant fort nombreux. Pour éviter cet inconvénient, si vous avez l'occasion de lui écrire, vous seriez très aimable de lui rappeler sa promesse.
Je n'aurai donc pas à faire usage des autres lettres que vous m'avez adressées ; elles n'auraient pu, du reste, m'être utiles, le Rappel n'ayant renvoyé ses syndiqués [f. 03] que pour payer ses ouvriers un prix dérisoire ; pour Farjat[10], le personnel de l'Intransigeant est au complet et, d'après nos règlements syndicaux, les équipes une fois constituées se recrutent elles-mêmes, le patron n'a pas le droit d'y embaucher personne.
Jeanne, ma femme[11] et moi vous embrassons, et nous vous prions de transmettre nos amitiés à Mlle Charlotte[12], nous vous sommes très obligés d'avoir bien voulu vous occuper de moi.
Alombert
8, cité Condorcet, 8
Jean-Pierre Bonnet. le 4 juillet 2020.
[modifier] Notes et références
- ↑ Paru du 7 septembre au 8 décembre 1870.
- ↑ Aujourd'hui rue Jean-Pierre Timbaud, 11e.
- ↑ Librairie Laurent Coulet (166 bld Haussmann, 75008 Paris), catalogue 55, sans date (c. 2010), page 81.
- ↑ Acte non retrouvé
- ↑ Voir : Fonds Lucien Descaves à la BNF
- ↑ Institut international d'histoire sociale, Amsterdam, Archives Lucien Descaves : Louise Michel papers, dossier 73.
- ↑ 8 septembre 1849, Saint-Brieuc-?
- ↑ Ernest Joseph Richard VAUGHAN (1841, Saint-Germain-en-Laye - 1929, Paris 15e), membre de l'Internationale, fondateur de l'Aurore.
- ↑ Le folio 02A est curieusement typographié mais illisible.
- ↑ Adrien Lucien FARJAT (1859, Lyon-1933, Paris 10e). Tisseur sur soie, devenu publiciste.
- ↑ Claudine Jeanne Louise AUGER (6 octobre 1861, Paris 11e-?). Institutrice, puis directrice d'école.
- ↑ Charlotte VAUVELLE (1867, Paris 6e-1934, Marseille), intime de Louise Michel pendant 15 ans (1890-1905).